Souvent considérés comme une forme d’art, les tatouages constituent pour beaucoup un moyen d’expression qui va bien au-delà du simple phénomène de mode. Pourtant, les personnes tatouées sont parfois victimes de préjugés, notamment dans la sphère professionnelle. Bien sûr, la situation est différente selon le type de tatouage, sa taille ou encore son emplacement : un tatouage sur la main, sur le visage ou dans le dos n’ont pas le même impact.
Mais que dit la loi sur le fait de porter des tatouages au travail ? Est-il interdit d’arborer des tatouages dans certains métiers, et comment évoluent les mentalités ? Tour d’horizon de la législation et des pratiques en la matière.
Ce que dit la loi concernant les tatouages au travail
Photo d’un homme en t-shirt blanc avec les deux bras tatoués provenant de Depositphotos
L’apparence ne doit pas être un critère de discrimination au travail…
Le tatouage connaît un essor fulgurant : environ 20 % des Français portent un ou plusieurs tatouages, un chiffre qui a doublé depuis 2010. Même si ce signe distinctif est parfois sujet à controverse dans le milieu professionnel, le Code du travail ne contient aucun texte prohibant les tatouages. Mais alors, un employeur peut-il interdire à ses salariés d’arborer des tatouages ? L’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute discrimination dans le milieu professionnel, notamment en raison de l’apparence physique. Aussi, et même si ce n’est pas indiqué explicitement dans le texte, il est interdit de discriminer ou licencier un salarié à cause d’un tatouage, qui est directement lié à l’apparence. Cela s’applique aux personnes passant des entretiens d’embauche comme aux salariés déjà en poste, qu’ils soient en CDD, en CDI, en intérim ou en stage.
… Mais l’employeur peut imposer certaines règles
Même si l’on considère le tatouage comme une sorte de vêtement et non comme une partie intégrante du corps, l’article L. 1121-1 du Code du travail stipule que l’employeur ne peut imposer certaines restrictions (vestimentaires, par exemple) qu’à condition que cela soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché. Par conséquent, il a la possibilité d’interdire à ses salariés de porter des tatouages apparents au travail seulement si cette mesure est dûment justifiée (par exemple si le tatouage est susceptible de choquer la clientèle). Chaque situation est donc appréciée au cas par cas, en fonction de la nature du dessin et de son emplacement, mais aussi du secteur d’activité et du poste occupé par le salarié.
Les tatouages au travail, une question de perception
La distinction entre les tatouages visibles et non visibles
Si vous avez choisi de vous faire tatouer dans une zone cachée ou facile à camoufler, il est peu probable que cela soit pointé du doigt lors d’un entretien d’embauche ou au travail. En revanche, si vous avez choisi de porter un tatouage sur la main, l’avant-bras ou le cou, cela peut poser problème dans certains secteurs d’activité.
Des préjugés encore présents, mais une évolution positive en marche
D’après une étude récente, les personnes tatouées font encore à ce jour l’objet de préjugés : elles sont souvent perçues comme peu fiables, extrémistes, moins compétentes et moins sérieuses. En réalité, la plupart des personnes tatouées font ce choix pour exprimer leur personnalité, embellir leur corps ou afficher leur appartenance à un groupe ; le tatouage peut aussi exprimer le manque d’une personne défunte ou l’amour porté à un proche, par exemple. Toutes ces raisons n’ont aucun lien avec les compétences professionnelles, mais les stéréotypes restent présents en entreprise.
Néanmoins, le monde du travail s’ouvre peu à peu sur la question du tatouage. Les études sur le sujet sont encore rares, mais ce signe distinctif se démocratise fortement et il est de plus en plus accepté par la société en tant qu’élément de style personnel. La culture du tatouage s’impose aujourd’hui dans les défilés de mode, y compris dans l’univers du luxe. Par ailleurs, la compagnie aérienne Air New Zealand a été la première à autoriser le personnel de cabine à arborer des tatouages visibles dès 2019, et plusieurs compagnies ont fait de même ces dernières années.
Dans quels métiers les tatouages sont-ils interdits ou mal perçus ?
Voici une liste de métiers et secteurs dans lesquels le port de tatouages peut encore être un frein. Gardez toutefois à l’esprit que chaque entreprise a sa propre culture et son règlement intérieur, et que la tendance est plutôt à l’assouplissement dans de nombreux milieux professionnels.
Police et gendarmerie
Les tatouages sont autorisés depuis 2018 dans la Gendarmerie nationale à condition qu’ils ne soient pas placés dans une zone exposée, qu’ils puissent être camouflés et qu’ils ne portent pas atteinte aux valeurs fondamentales de la République. Par conséquent, un tatouage sur la main est théoriquement interdit pour cette profession en France. Il semblerait en revanche que la Police nationale soit un peu moins stricte à ce sujet, car elle accepterait les tatouages apparents à condition qu’ils ne soient ni offensants, ni inappropriés.
Personnel de cabine des compagnies aériennes
Certaines compagnies interdisent le port de tatouages aux hôtesses de l’air et aux stewards, dans le but de maintenir une image professionnelle et d’assurer une certaine neutralité face à des clients internationaux aux cultures variées.
Univers du luxe
Dans les hôtels, restaurants ou boutiques de luxe, l’image de marque est fondamentale et les tatouages doivent la plupart du temps être masqués. Ce milieu requiert une présentation impeccable et élégante, ce qui est parfois considéré comme incompatible avec le port de tatouages.
Professions médicales
Là encore, les tatouages peuvent être mal perçus par certains patients qui les interprètent comme un signe de « manque de sérieux ».
Secteur bancaire
Le traditionnel « costume-cravate » y est de rigueur, et les tatouages visibles font partie des éléments considérés comme non conformes au métier de conseiller bancaire (au même titre que les piercings, par exemple).
Enseignement
La tolérance varie selon les institutions, mais les tatouages visibles peuvent être mal acceptés par les parents d’élèves. Il n’existe toutefois aucun texte interdisant le port de tatouages au travail pour les enseignants.
Conclusion
La législation n’interdit pas le port d’un tatouage au travail, mais elle stipule que les discriminations liées à l’apparence physique sont illégales. Pourtant, le monde professionnel reste assez conservateur à ce sujet. Dans la plupart des cas, le tatouage n’est interdit pour certains métiers que dans la mesure où il se voit – s’il est masqué, cela ne pose généralement aucun souci. Dans le cas contraire, cela peut s’avérer problématique : un tatouage sur la main, dans le cou ou dans une autre zone visible reste à ce jour un frein potentiel au travail. Mais face au boom du tatouage et de l’affirmation de soi en général, les mentalités semblent évoluer vers plus de tolérance.